INSPIRATIONS
Lumière sur : Greta Bellamacina
"J'ai toujours essayé de me rapprocher du monde grâce au langage." Poétesse, actrice, réalisatrice et mannequin, Greta Bellamacina nous parle de son processus créatif et du pouvoir de l'écriture.
"Un poème doit contenir assez de tragédie et d'amour... Je me trouve toujours déchirée entre les deux lorsque j'écris."
De ses débuts dans Harry Potter et la Coupe de Feu à sa nomination au Young Poet Laureate of London, beaucoup d'artistes peuvent seulement rêver de ce que Greta Bellamacina a accompli depuis son entrée sur la scène créative en 2005. "Jamais je n'aurais pensé pouvoir entrer dans des librairies en Amérique et y découvrir l'un de mes livres," explique-t-elle. "Durant les premières années de mes vingt ans, j'ai voyagé dans le Delta avec un ami du Mississippi, réimaginant les Beat poets et le blues, et maintenant on peut trouver mon livre dans les librairies du Mississippi. C'est comme un rêve."
En effet, la poétesse, actrice, réalisatrice et star de la nouvelle campagne COS Automne-Hiver 2020 s'est fait un nom grâce à sa capacité à enrichir la vie de caractère et d'émotion – tant pour les amoureux du cinéma que pour les fans de poésie. Aux yeux de Greta, l'écriture a le pouvoir de rassembler les gens. "Je me décrirais comme quelqu'un qui se tourne vers la langue au nom de la vérité", confirme-t-elle. "J'ai toujours essayé de me rapprocher du monde grâce au langage. La poésie est l'une des formes d'art qui vous prend par la main comme votre bien-aimé(e) lorsque le monde est sans dessus dessous et que vous n'avez nulle part où aller."
Son film Hurt By Paradise, fraîchement paru, Greta partage ici ses inspirations, des vers d'Allen Ginsberg aux mélodies mélancoliques de Nick Cave, sans oublier les meilleurs endroits pour écrire de la poésie (et boire une bière).
SON PROCESSUS CRÉATIF
"Lorsque je travaille sur un film, je m'intéresse toujours aux motivations du personnage et à ses intentions plutôt qu'à l'intrigue. Le mannequinat est similaire en un sens ; il faut s'inspirer des personnages que les photographes tiennent à représenter. En ce qui concerne la poésie, le processus de relecture s'avère aussi important que l'écriture. Pour qu'un poème vive, il s'agit de marier tragédie et amour dans un parfait équilibre pour que tous le comprennent, s'identifient. Je me trouve toujours déchirée entre les deux quand j'écris parce que je tiens à ce que mon lecteur ressente en le lisant que je comprends sa douleur et qu'il s'agit de retrouver la magie présente dans le banal. Un poème, c'est une échappée belle, un atome lettré qui bat au rythme du coeur."
SES ESSENTIELS
"Pendant des années, j'ai emporté mon Moleskine noir partout où je me rendais. Mais récemment, je trouve plus pratique d'écrire directement sur mon ordinateur. J'ai créé un PDF continu de poèmes en cours que j'aime retravailler. Je pense que c'est plus créatif, d'avoir une chaîne de brouillons sur écran. De suivre le processus comme une sorte de journal. Il semblerait cependant que j'écrive des poèmes assez souvent au dos de romans quand je voyage. J'aime beaucoup écrire en déplacement. Les mots semblent prendre forme au fil du mouvement, les choses font sens."
LIEU D'ÉCRITURE
"J'aime écrire dans les espaces publics, les pubs, les cafés, les bars... C'est réparateur d'écrire entourée de personnes parce qu'au final une grande partie de l'écriture naît de la solitude. C'est douloureusement libérateur d'écrire au sujet de vérités sincères en public. Comme une réminiscence de mon journal. Le naturalisme s'invite lorsque la vie vous entoure. Mon endroit préféré pour écrire est The Troubadour à Earl's Court. J'y ai fait la relecture de mon dernier livre ; ce lieu possède une réelle énergie. Il vous laisse vaquer à vos pensées et fait disparaître tout ce qui se trouve en surface très rapidement. Certains endroits ont ce pouvoir."
Le musicien Nick Cave
Le Delta du Mississippi
SON INSPIRATION
"Je puis mon inspiration partout : à la radio, auprès d'un étranger, lorsque le temps change. Récemment, j'ai été beaucoup inspirée par The Old Brompton Cemetery qui se trouve au fond de ma rue. Les cimetières dans les villes sont des espaces publics où la nature prend le dessus. Celui-ci est rempli de fleurs sauvages, d'arbres anciens et d'oiseaux tropicaux, il est très vivant. Il y a quelque chose de particulier dans le fait de se retrouver au coeur d'un endroit riche de la poésie d'étrangers. Comme une bibliothèque du temps et des peines de coeur.
"J'admire beaucoup de poètes, Alice Oswald, Ted Hughes, Anne Sexton – mais je reviens toujours à Allen Ginsberg. Je suis aussi très sensible à la musique... donc quand j'écris, j'aime écouter quelque chose qui m'emmène au coeur de la mélancolie et de la réflexion. J'écoute beaucoup Nick Cave quand j'écris, spécialement son nouvel album. Sa musique est très proche de la poésie. J'ai tendance à écrire les jours gris et venteux, remplis de solitude. Ce sont les plus propices à l'écriture. Mais j'essaie d'écrire régulièrement, comme un travail de bureau. Parfois, il faut se faire violence pour écrire, sinon ça reste coincé loin dans votre tête."
"Je m'habille très souvent avec extravagance lors d'une performance. Le vêtement lui aussi raconte une histoire et permet d'inviter les gens dans votre univers."
SA GARDE-ROBE
"J'ai toujours apprécié utiliser la mode comme moyen d'exploration des personnages et des émotions que j'essaie de partager. Elle peut parfois offrir une réelle évasion de la réalité mais la plupart du temps c'est que j'aime tout simplement porter de beaux vêtements qui m'ancrent dans l'instant présent et amènent du changement à mon humeur. Je m'habille très souvent avec extravagance lors d'une performance – je me sens plus confortable sur scène de cette manière, dans un vêtement élaboré et presque irréel. Le vêtement lui aussi raconte une histoire et permet d'inviter les gens dans votre univers."
LE MOT DE LA FIN
"N'ayez pas peur de prendre un risque sur la base du coeur. J'adore les paroles de Rowland S Howard : "Nothing is sacred and nothing is true, unless I am here with you." Je pense que c'est un peu la même chose quand il s'agit de créer. Il peut s'avérer difficile d'y parvenir, mais il n'y a rien de mieux que de commencer et d'apprendre en chemin. La plus grande des excuses : ne pas essayer. Tout le reste n'est que bonus."
Greta Bellamacina (@gretabellamacina) porte la collection COS Automne-Hiver 2020. Photographe : Jack Davison. Styliste : Clare Richardson.